La Première Poupée Sexuelle Réaliste de l'Histoire

Dans l'Empire russe, on l'appelait le "rhume du hussard". Dans l'Espagne médiévale, la "maladie gauloise". Dans d'autres pays, elle était connue comme la maladie des amants. Nous parlons, bien sûr, de la syphilis, la compagne immuable des soldats à travers les âges. En occupant la France en 1940, l'Allemagne, comme tout camp victorieux, a fait face à une épidémie de syphilis dans son armée. Pour l'arrêter, les autorités du Troisième Reich n'ont pas renforcé la discipline ni introduit d'interdictions totales des liaisons avec les femmes locales. Au lieu de cela, ils ont emprunté une voie inventive. Hitler a commandé le développement d'une poupée qui serait plus belle que n'importe quelle Française.

Feldhygieneprojekt — Projet d'Hygiène de Campagne

"Notre devoir est de ne pas permettre aux militaires de risquer leur santé pour des intrigues éphémères." C'est ainsi que le chef des SS, Heinrich Himmler, décrivait le projet dans ses journaux. Il dirigeait la production des moyens de protéger les soldats allemands de la "maladie honteuse".

Le développement du projet était gardé top secret. La création de la "beauté aryenne" était dissimulée par les nazis.

La création de la femme artificielle a été confiée à Franz Tschakert du Musée allemand de l'hygiène. Peu avant la guerre, il avait créé un mannequin féminin transparent, anatomiquement correct. Il était fait de silicone et reproduisait entièrement l'anatomie d'une femme, devenant une sensation à l'époque.

Tschakert avait pour mission de rendre Borghild parfaite en tous points : de l'apparence à la construction des parties internes. Des organes sexuels réalistes, une peau indiscernable de la vraie, et un corps flexible n'étaient qu'une petite partie des exigences imposées par les nazis sur le projet.

L'apparence de la poupée devait strictement se conformer aux standards de beauté aryenne : une peau blanche comme neige, des yeux bleu vif, et de longs cheveux clairs. De plus, pour s'assurer que les soldats la préfèrent aux femmes locales, elle devait posséder une poitrine voluptueuse, des lèvres pulpeuses et de longues jambes. Après avoir formulé les exigences nécessaires, l'équipe de Tschakert a commencé à chercher un modèle dont l'apparence servirait de base à Borghild. Initialement, ils voulaient prendre pour modèle l'actrice hongroise et symbole de la beauté de l'Axe, Kat von Nagy, mais elle a catégoriquement refusé de participer. Ni une grande rémunération ni les relations étroites avec le haut commandement de l'armée n'ont aidé. La même situation s'est produite avec les autres modèles sur la liste de Tschakert. L'équipe a alors créé indépendamment dix visages uniques avec différents traits et a procédé aux tests. Des membres sélectionnés des SS se sont vu montrer les visages pour identifier lesquels faisaient la plus forte impression. Tous les résultats étaient méticuleusement enregistrés et analysés par tout un département de psychologues.

Imaginez simplement l'importance de ce projet pour les nazis. Pour sa réalisation, ils n'ont pas seulement dépensé d'énormes ressources mais ont également retiré leurs meilleurs soldats du front pour tester l'image de la poupée sur eux.

On ignore combien de Reichsmarks et combien de temps ont été dépensés pour produire la poupée. Mais selon les souvenirs de Himmler, il était ravi. La poupée, nommée Borghild, s'est avérée magnifique. Tschakert soulignait spécifiquement qu'elle n'était pas simplement une femme ou un réconfort entre les batailles, mais une véritable compagne de combat. La silhouette de la poupée était parfaite. Pour atteindre un tel résultat, l'équipe de développement a invité les principales athlètes du Reich. Les jambes de Borghild étaient musclées, longues et élancées. Sa taille était fine comme celle d'une guêpe, et sa poitrine large, ferme et excitante. Dans tous les tests effectués, le résultat était stupéfiant. Même en faisant abstraction de sa nature "inanimée", la beauté aryenne faisait une impression indélébile sur les testeurs. Tschakert a reçu les plus hautes louanges de la direction du Reich, et Hitler lui a personnellement écrit une lettre de remerciement.

Une Beauté Devenue un Fardeau Dangereux

Le premier lot de Borghild est sorti des usines en 1941. Elles ont été immédiatement envoyées à l'état-major personnel de la garnison sur l'île de Jersey, située près des côtes de Normandie. Après un mois d'utilisation, l'équipe de Tschakert est arrivée à la garnison pour recueillir des données. Les résultats étaient si exceptionnels qu'Hitler a commandé cinq mille poupées supplémentaires pour les unités de combat SS le soir même. Le déploiement des poupées vers les troupes combattant sur la ligne de front a commencé. Les Allemands ont fait un excellent travail mais ont négligé un facteur majeur dans leurs tests. Le service de garnison détendu de la défense côtière était bien différent de ce que les unités terrestres de combat affrontaient. Par conséquent, le destin de Borghild ne s'est pas déroulé comme prévu.

La Blitzkrieg prenait de l'ampleur. Les nazis poussaient de plus en plus vers l'est, et l'approvisionnement est passé d'une série de tâches solubles à une vague sans fin de problèmes. Les officiers jetaient simplement Borghild pour faire de la place dans les trains de ravitaillement pour les provisions essentielles. De plus, la simple possession de la poupée, tant par les soldats soviétiques qu'alliés, est devenue associée à une seule chose – "Voici un soldat SS." Et pour les membres SS capturés, il n'y avait souvent qu'un court chemin – vers le mur le plus proche pour l'exécution. Ainsi, la belle Borghild s'est transformée d'une compagne de combat en un fardeau, et mortel qui plus est, si son propriétaire était capturé avec elle. En conséquence, en 1942, le "Projet d'Hygiène de Campagne" a été gelé. Les poupées qui n'avaient pas encore été déployées vers les troupes ont été brûlées lors de la destruction de Dresde. Ainsi s'est terminée l'histoire de Borghild, mais l'histoire de sa petite sœur commençait.

De la Petite Sœur à la Nièce

L'économie du Reich a continué à produire des biens civils jusqu'aux derniers mois de la guerre. Les usines militaires qui fabriquaient des munitions produisaient aussi de la vaisselle. Les roues pour les véhicules blindés étaient fabriquées aux côtés d'arrosoirs de jardin. Et un projet aussi réussi que Borghild a également eu son équivalent non militaire. La compagne de combat des SS avait une "petite sœur". La "beauté aryenne" a inspiré les fabricants allemands de jouets à créer la première poupée qui idéalisait la silhouette féminine. Ainsi est née la poupée "Lilli". Elle était produite pour la population civile et vendue dans les magasins de jouets jusqu'en mai 1945.

Des années après la guerre, un couple d'entrepreneurs américains, Ruth et Elliot Handler, sont venus en Allemagne à la recherche d'inspiration. Leur entreprise, Mattel, était engagée dans la production de cadres photos et connaissait le succès. Cependant, le couple cherchait quelque chose de radicalement nouveau. Leur inspiration est venue de la poupée "Lilli", qu'ils ont trouvée dans l'un des magasins de jouets d'avant-guerre. Ruth Handler et son mari, Elliot Handler, sont les créateurs de la célèbre poupée "Barbie", qui a changé pour toujours le monde des poupées pour filles. Selon l'écrivain Donald Graham, le chercheur le plus autorisé du "Phénomène Barbie", c'est "Lilli" qui les a inspirés et a posé les fondations de la poupée la plus célèbre au monde.

L'Histoire est la meilleure des comédienne, et les intrigues qu'elle écrit sont impossibles à reproduire pour les humains. Ainsi, un projet nazi visant à maintenir la capacité opérationnelle des unités SS les plus sanglantes est devenu le véritable progéniteur d'un jouet qui réside maintenant dans presque chaque maison de petite fille.